Récit de mes accouchements
J’ai accouché de mon deuxième enfant à la maison, le 4 septembre 2018. J’ai accouché dans ma chambre, avec mon compagnon, mon amie Cécile et dans le dernier moment avec la sage-femme. J’ai accouché dans ma bulle, avec mes habits, avec la fenêtre et les volets fermés, il faisait chaud, j’ai vu les trois personnes que j’avais choisies, rien qu’elles trois. J’étais à presque une heure des urgences de Valence et à plus d’une heure de la maternité de Montélimar où j’ai été inscrite en cas de « problème ».
Un « problème », je savais que cela pouvait arriver, pour mon premier accouchement, il y en a eu un. Mes analyses de sang des derniers mois de grossesse montraient une baisse significative des plaquettes sanguines. Les sage-femmes m’avaient prévenue : j’aurai une prise de sang au début du travail le jour J pour mesurer mes plaquettes. J’ai perdu les eaux à minuit, les contractions ont commencé. A 10h du matin, col peu dilaté, prise de sang. A 13h, la sage-femme est claire, je dois aller immédiatement à la maternité en passant par le service d’urgences car mes plaquettes sont à 35 000. Elle ne viendra pas avec moi, le travail n’est pas assez avancé. Pire regard noir de ma vie. Finie ma chambre, mes affaires, bonjour le monitoring et les antibios. Contrôle du taux de plaquettes, à 17h j’en ai 130 000 ! Impossible un tel écart, d’où vient le problème ? Inutile de réfléchir, c’est à la maternité que je suis, c’est là que j’accouche, salle froide, bleue avec du matériel médical. Nous avons apporté notre poste CD, nous écoutons Baghvati. Camille, la sage-femme le sait, nous voulons un accouchement physiologique. Elle comprend, elle ne sait pas quoi faire, elle nous laisse tranquilles. 18h, col peu dilaté, j’appelle Vladimir mon thérapeute, il explique à mon compagnon où et comment masser les points réflexes qui stimulent le travail au niveau de la cheville. Ça y est, ça démarre. J’ai mal, très mal, si mal en bas du dos, j’appelle au secours, cela fait 24h que la poche des eaux est ouverte. La douleur dans le dos est insupportable, 2ème nuit blanche, notre sage-femme n’est pas là, il fait froid. J’abdique, ça sera avec péridurale. Je passe l’épisode avec l’anesthésiste dénoncé par la suite auprès de l’hôpital. La péridurale fonctionne, je n’ai plus cette douleur insoutenable dans le dos à chaque contraction, j’ai une sciatique en continu, elle aussi hyper douloureuse. Le jour va bientôt se lever, 19 décembre 2014. Ça y est je suis à dilatation complète. Ouf je sens quand même un peu le bébé, il est descendu. Je m’appuie sur le papa, bébé arrive, il est là, c’est un garçon, Anaël, « Dieu a répondu ». Merveilleux, il va bien.
Le temps passe, je savoure sa présence, j’oublie, presque, l’accouchement. Reste une déception.
Un peu plus de 2 ans après, je suis enceinte. Cette fois-ci, j’accoucherai à la maison avec notre sage-femme. Cette-fois-ci je vais mieux me préparer. Cette fois-ci… Cette fois-ci… Il y aura bien un accouchement mais pas de bébé, à peine 4 mois de grossesse, une agression verbale au travail, des contractions, des douleurs énormes, une infection de l’utérus, un accouchement à la maternité… le bébé allait bien. 17 juin 2017. A ce moment-là, m’est venue et m’est restée, une force incroyable, une certitude implacable, la prochaine fois j’accoucherai à la maison d’un bébé en pleine forme. A ce stade de la grossesse, nous voulions l’appeler Joachim, « Dieu met debout », c’est moi qui me suis levée.
Nouvelle grossesse, 5 mois plus tard, la certitude est toujours là, j’accoucherai à la maison, le bébé va bien. Une sage-femme est d’accord pour nous accompagner, elle habite à plus d’une heure, nous nous rencontrons 4 ou 5 fois, aucun examen intrusif, elle est en confiance, moi aussi. Je prends soin de ma santé, merci Laura pour la découverte d’Anthony William. Yoga chaque jour. Méditation guidée de François Breton chaque jour. Dans le 4ème mois de grossesse, je vois bébé en rêve, il me montre ses testicules, c’est clair. Pourtant une ostéo, à qui je n’ai rien demandé et qui s’affiche « medium », me dit que c’est une fille, j’y crois, suspens. Nous choisissons de nous faire accompagner par Cécile et nous lui demandons de venir pour l’accouchement. Les médecins sont inquiets que la grossesse n’aille pas au bout car ma thyroïde est faible, la tsh est élevée en tous cas. J’aurais pu me contenter de la confiance de la sage-femme. Bébé arrive, pile à terme. A 19h, je remarque que les contractions sont régulières et espacées de 10 minutes. Nous couchons notre fils et nous savons que nous ne dormirons pas cette nuit. 2h du matin toujours 10 minutes d’écart entre les contractions, c’est pratique, nous avons le temps de nous assoupir. Quand même, ça commence à faire long, la peur que cela soit aussi lent que pour le premier s’installe, je ne veux pas aller à la maternité. Nous appelons Cécile, elle joue du tambour, le mental se calme, je passe de l’autre côté. Là, où le mental est occupé à divaguer, il s’imagine préparer des frites ou se demande si mon oncle a un briquet, là où les cris des animaux de la jungle peuvent surgir, où la lionne se réveille et s’impose. Tout s’accélère. Mon chéri appuie sur le bas de mon dos, ouf c’est tolérable. Je cherche des positions. Je leur dis que c’est sans doute à ce moment là que je leur demande de m’achever puis à ce moment là que je jure « plus jamais ça ». Je demande que l’on appelle la sage-femme. Elle ne répond pas, je ne le sais pas. Je crie, je mugis, je me lâche. Je sens que le plus gros de la tempête est passé. A présent, mon corps pousse. La sage-femme arrive, j’ai les yeux fermés. Elle me demande où j’en suis, je ne réponds pas, je ne suis plus de ce côté-là. Elle regarde, c’est bon, c’est bien ça, bébé arrive. Elle me dit de me mettre debout plutôt que sur les genoux. Je suis debout, je m’appuie sur papa, il pleure. Je me trouve trop petite, le temps de me plier, j’arrive vite au sol et bébé ne sort pas. Puis la poche des eaux s’ouvre enfin, je sens que ça permet tout, contraction d’après la tête, celle d’après bébé. 10h. La sage-femme le passe au papa, je le vois, il est beau, tout va bien, il est grand, il est mince, il a des testicules. Elisée, « Dieu vient en aide ». Merci. Merci à vous trois qui m’avez accompagnée.
Calme, silence, douceur, quiétude. Tranquilles chez nous. Mes habits, mes draps, ma douche, mon lit. Mon bébé, vivant. Beau, magnifique.
12h, le grand frère vient découvrir son petit frère. Nous faisons la sieste tous les quatre, dans notre grand lit.